1 Introduction
Les priorités prudentielles du MSU reflètent la stratégie à moyen terme de la supervision bancaire de la BCE pour les trois années à venir. Définies par le conseil de surveillance prudentielle, elles font l’objet d’un réexamen chaque année et reposent sur une évaluation complète des principaux risques et vulnérabilités auxquels sont confrontés les établissements supervisés. Les priorités tiennent également compte des conclusions du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (Supervisory Review and Evaluation Process, SREP)[1] et des progrès réalisés par rapport aux priorités des années précédentes. Elles contribuent à une allocation efficace des ressources prudentielles disponibles et peuvent être aisément ajustées si l’évolution du paysage des risques le justifie.
Les établissements supervisés ont su faire face aux chocs macrofinanciers et géopolitiques défavorables des dernières années. Des bases robustes, telles que des positions de capital et des coussins de liquidité solides ou des niveaux réduits de prêts non performants (non-performing loans, NPL), ont permis aux banques d’affronter les défis suscités par la pandémie de coronavirus (COVID-19) et les perturbations des chaînes d’approvisionnement qui en ont résulté, la guerre de la Russie en Ukraine et le choc sur l’offre énergétique qui en a découlé, et les défaillances récentes de banques américaines et suisses. La capacité du secteur bancaire à résister à un ralentissement économique grave a également été confirmée par les résultats du test de résistance 2023 mené à l’échelle de l’Union européenne (UE)[2].
Le secteur bancaire européen est aujourd’hui confronté à plusieurs défis qui requièrent une vigilance accrue de la part des autorités de surveillance et des banques. Si la rentabilité des banques a jusqu’ici bénéficié de la hausse rapide des taux d’intérêt, l’environnement de plus haut niveau des taux d’intérêt devrait accroître à la fois la volatilité de certaines sources de financement et les coûts de financement des banques à moyen terme, au moment même où des montants considérables de financements de banque centrale doivent être remplacés. De plus, la qualité des actifs des banques pourrait se détériorer à nouveau si les risques géopolitiques se concrétisent ou si la forte inflation associée au resserrement des conditions de financement compromettent les capacités de remboursement des ménages et des sociétés non financières. Des primes de risque plus élevées pourraient entraîner une nouvelle revalorisation des actifs financiers et de nouveaux épisodes de grande volatilité sur les marchés financiers. Dans ce contexte, il est essentiel que les banques maintiennent leurs cadres relatifs au risque de crédit et à la gestion des actifs et des passifs (asset and liability management, ALM) et qu’elles continuent de les améliorer, en veillant à ce que les risques de liquidité et de financement ainsi que le risque de taux d’intérêt dans le portefeuille bancaire (interest rate risk in the banking book, IRRBB) soient couverts.
La défaillance de plusieurs banques américaines de taille moyenne et le rachat d’une banque suisse ont souligné une fois de plus la nécessité, pour les banques, de disposer d’une gouvernance interne solide et de contrôles des risques efficaces pour faire face à un paysage de risques en constante évolution. Ces défaillances bancaires ont également rappelé l’importance d’une réaction rapide et efficace des autorités de surveillance ainsi que, le cas échéant, de l’intensification des mesures prudentielles si les pratiques des banques semblent inadéquates et que des mesures correctrices tardent à être prises. Dans ce contexte, la supervision bancaire de la BCE mettra progressivement en œuvre les mécanismes et instruments d’intensification appropriés de façon à ce que les banques remédient rapidement aux insuffisances détectées dans les priorités prudentielles. Le domaine de la gouvernance est particulièrement concerné, car, malgré le dialogue engagé de longue date avec les autorités de surveillance, certaines banques n’ont pas remédié de manière adéquate à des insuffisances majeures liées notamment au fonctionnement et à la capacité de pilotage de leur organe de direction ou à leurs capacités d’agrégation des données sur les risques et de déclaration (risk data aggregation and reporting, RDAR). Les établissements doivent également veiller à ce que leurs pratiques permettent une gestion solide des risques liés au climat et à l’environnement (C&E). Ils devront remplir cet objectif d’ici à fin 2024 au plus tard, et respecter certaines exigences aux dates intermédiaires fixées par la supervision bancaire de la BCE.
La transformation numérique étant devenue une priorité pour de nombreuses banques qui cherchent à rester compétitives, il est essentiel qu’elles disposent de garanties suffisantes pour limiter les risques éventuels posés par de nouvelles technologies et pratiques commerciales. Des enquêtes prudentielles ont montré que, tandis que certaines banques ont déjà bien progressé en matière de transformation numérique, d’autres n’ont pas alloué les ressources nécessaires à la réalisation de leurs objectifs. En outre, le nombre toujours plus élevé des cybermenaces, alimentées par les tensions géopolitiques actuelles, et le recours accru à des prestataires de services externes soulignent la nécessité pour les banques de rester résilientes et d’assurer la continuité de leurs services critiques, même en cas de graves perturbations opérationnelles. Dans ce contexte et parallèlement aux activités de surveillance menées dans le cadre de ces priorités, il sera demandé aux banques dans les mois à venir de démontrer leur capacité à réagir face à de tels événements défavorables et à se rétablir.
Tandis que le paysage des risques a continué d’évoluer depuis l’année dernière, les priorités prudentielles et les activités correspondantes lancées en 2022 demeurent globalement valables et répondent toujours aux principales vulnérabilités du secteur bancaire. Malgré la stabilité nécessaire à la planification sur un horizon de trois ans, quelques ajustements sont justifiés pour faire face aux risques mis en évidence ci-dessus.
Dans le cadre des priorités prudentielles du MSU pour 2024‑2026, il sera essentiellement demandé aux établissements supervisés de renforcer leur résilience face aux chocs macrofinanciers et géopolitiques immédiats (priorité 1), d’accélérer la correction effective des insuffisances en matière de gouvernance et de gestion des risques C&E (priorité 2) et de poursuivre leurs progrès en vue de la transformation numérique et de l’élaboration de cadres solides de résilience opérationnelle (priorité 3). Le graphique 1 énumère sept vulnérabilités principales des banques, qui peuvent être affectées à trois priorités fondamentales.
Graphique 1
Priorités prudentielles pour 2024‑2026 concernant les vulnérabilités détectées au sein des banques
Le principal objectif de la planification stratégique de la supervision bancaire de la BCE est d’élaborer une stratégie solide pour les trois prochaines années. Les priorités encouragent l’efficacité et la cohérence de la planification prudentielle des équipes de surveillance prudentielle conjointes (Joint Supervisory Teams, JST) et favorisent une allocation plus efficace des ressources, conformément aux niveaux de tolérance au risque prévus. Elles permettent également aux autorités nationales de surveillance de fixer leurs propres priorités de manière proportionnée pour les établissements moins importants. Une communication transparente des priorités clarifie les attentes prudentielles pour les banques, améliore les effets qu’exerce la surveillance prudentielle sur le renforcement de la capacité de résistance du secteur bancaire et contribue à garantir une égalité de traitement.
Les sections suivantes fournissent plus de détails sur les résultats de l’exercice de recensement et d’évaluation des risques pour 2023 et définissent les priorités prudentielles et les programmes de travail sous-jacents pour la période 2024‑2026. Dans le cadre de leur dialogue permanent avec les banques, les autorités de surveillance mènent également d’autres activités régulières et ponctuelles qui complètent les travaux sur les priorités.
2 Évaluation des risques et priorités prudentielles pour 2024‑2026
2.1 Un environnement opérationnel pour les établissements supervisés
Le secteur bancaire européen a montré sa forte résilience face aux chocs extérieurs en mars 2023, lorsque la crise des secteurs bancaires américain et suisse n’a entraîné que des effets de contagion limités et temporaires. En termes de fonds propres, de liquidité et de qualité d’actifs, les banques européennes ont affiché de grands atouts, et ont pu s’appuyer sur des sources de financement et des bases clientèle correctement diversifiées. Source d’inquiétudes depuis de nombreuses années, leur rentabilité s’est largement rétablie en raison de l’environnement de taux d’intérêt plus élevés, retrouvant des niveaux qui n’avaient pas été observés depuis plus de dix ans. La résilience accrue du secteur bancaire, également rendue possible par le renforcement des cadres réglementaires et prudentiels européens, pourrait néanmoins de nouveau être mise à l’épreuve à l’avenir. Nous ne devons donc pas relâcher notre vigilance.
Dans un contexte de durcissement des conditions de financement et de tensions géopolitiques accrues, les perspectives de croissance pour la zone euro restent très incertaines tandis que les trajectoires futures des prix de l’énergie et des produits alimentaires sont soumises à des risques haussiers[3]. Des tensions inflationnistes continuent de détériorer l’environnement économique, et la croissance modérée de la zone euro devrait persister à court terme. Alors que des faiblesses demeurent dans le secteur manufacturier, l’activité du secteur des services – principal moteur de la croissance économique jusqu’à présent – devrait également se tasser, en raison de l’atténuation des effets de la réouverture de l’économie à la suite de la pandémie et de la pression importante exercée par le resserrement des conditions de financement et l’incertitude élevée des consommateurs. Le marché du travail de la zone euro s’est montré résilient jusqu’ici, mais la demande de main-d’œuvre pourrait baisser si l’activité économique venait à stagner plus longtemps[4]. Les conditions de l’offre de crédit se sont sensiblement durcies depuis décembre 2022 et les dynamiques de prêt se sont ralenties alors que le resserrement rapide de la politique monétaire se transmet progressivement à l’économie réelle[5].
L’inflation globale dans la zone euro devrait poursuivre sa trajectoire baissière à moyen terme, tandis que l’inflation sous-jacente ralentirait plus progressivement[6]. Si la politique monétaire doit être encore durcie, ou si les taux d’intérêt restent à des niveaux élevés pendant plus longtemps dans un scénario d’inflation forte et persistante, les perspectives de croissance pourraient se dégrader et altérer la qualité des actifs des banques. Bien que, dans l’ensemble, les bilans des ménages et des entreprises semblent financièrement solides, les inquiétudes concernant la capacité des emprunteurs à rembourser leur dette s’accroissent, en particulier dans le domaine des prêts immobiliers. Outre l’érosion de la qualité des actifs en cas de ralentissement économique, des facteurs ponctuels tels que la taxe bancaire représentent un risque baissier particulier pour les bénéfices des banques dans certains pays.
Une combinaison de tensions géopolitiques accrues, de taux d’intérêt « plus élevés pendant plus longtemps » et de ralentissement économique éventuel dans la zone euro pourrait entraîner de nouvelles turbulences sur les marchés financiers. Les perturbations des secteurs bancaires aux États-Unis et en Suisse début mars, qui ont suscité un fort sentiment d’aversion au risque parmi les banques américaines, ne se sont propagées que partiellement et temporairement au secteur bancaire européen. Les répercussions dans la zone euro sont restées limitées et de courte durée, la volatilité des marchés a diminué et les cours des actions de la zone euro se sont redressés peu après le choc, en particulier dans le secteur bancaire, tandis que les écarts de rendement des obligations du secteur privé se sont à nouveau réduits. Une détérioration soudaine des perspectives économiques pourrait toutefois encore déclencher des épisodes de plus forte volatilité et de corrections brutales des prix des actifs et, dès lors, un nouveau durcissement des conditions de financement.
2.2 Priorités prudentielles pour 2024-2026
La définition des priorités prudentielles a lieu à la suite d’une évaluation globale des principaux risques et vulnérabilités auxquels font face les banques. Les trois priorités fondamentales pour les trois prochaines années se concentrent sur les risques à court terme pesant sur le secteur bancaire (priorité 1) ainsi que sur la nécessité de relever des défis plus structurels à moyen terme (priorités 2 et 3). Chaque priorité cible un ensemble de vulnérabilités observées dans le secteur bancaire, appelées « vulnérabilités prioritaires », pour lesquelles des objectifs stratégiques spécifiques et des programmes de travail ont été définis en vue d’atténuer les risques sous-jacents. Les interdépendances entre les risques sont reflétées dans les programmes de travail, lesquels visent à renforcer l’efficacité du dialogue engagé par les autorités de surveillance avec les banques.
Priorité 1 : renforcer la résilience face aux chocs macrofinanciers et géopolitiques immédiats
L’environnement macrofinancier incertain, conjugué à des pressions géopolitiques persistantes et au risque de nouveaux épisodes de tensions financières, continue de déterminer les perspectives du secteur bancaire européen. Les établissements supervisés doivent faire preuve de prudence, et élaborer et adopter des stratégies commerciales résilientes afin de parer aux évolutions rapides de l’environnement géopolitique et macrofinancier. Dans ce contexte, l’objectif principal de la supervision bancaire de la BCE est de faire en sorte que les banques soumises à sa surveillance prudentielle directe renforcent leur résilience face aux chocs macrofinanciers et géopolitiques immédiats. Si la hausse des taux d’intérêt a eu un effet positif sur leur rentabilité jusqu’à présent, les banques doivent être préparées à une plus grande volatilité des sources de financement, à des coûts de financement plus élevés, à une perte éventuelle de qualité des actifs et à une nouvelle réévaluation des cours sur les marchés financiers à court et moyen termes. Par conséquent, les banques doivent renforcer leurs cadres de gestion du risque de crédit et d’ALM.
Vulnérabilité prioritaire : insuffisances dans les cadres de gestion du risque de crédit et du risque de crédit de contrepartie
Objectif stratégique : les banques devraient remédier effectivement aux déficiences structurelles de leurs cadres de gestion du risque de crédit, y compris pour le risque de crédit de contrepartie, et traiter en temps utile tout écart par rapport aux exigences réglementaires et aux attentes prudentielles. Les banques devraient être en mesure de détecter et limiter rapidement toute accumulation des risques dans les portefeuilles les plus sensibles à l’environnement macrofinancier actuel.
Bénéfices importants, taux de chômage faibles et coussins d’épargne conséquents témoignent de la résilience dont ont fait preuve les entreprises et les ménages face au ralentissement de l’économie jusqu’à présent. Bien que le ratio et l’encours agrégés des NPL des établissements supervisés soient toujours à des niveaux proches de leurs points bas historiques, les premiers signes de détérioration de la qualité des actifs commencent à apparaître. Le ratio de stade 2 a augmenté pour les prêts aux ménages et en particulier pour les prêts à la consommation, la contraction du revenu réel associée aux taux d’intérêt plus élevés pesant de plus en plus sur la capacité des ménages à rembourser leurs dettes. De même, les faillites d’entreprises et les taux de défaut sont repartis à la hausse par rapport aux faibles niveaux observés pendant la pandémie.
Le cycle de l’immobilier résidentiel dans la zone euro s’est retourné, enregistrant un ralentissement de l’activité de prêt hypothécaire et une diminution des prix des logements dans la plupart des pays de la zone euro. Le marché de l’immobilier commercial continue de reculer, les valorisations et les volumes des transactions étant en forte baisse. Des vulnérabilités structurelles et un repli de la demande, en particulier pour les actifs immobiliers (commerces et bureaux) de moins bonne qualité, accentuent le resserrement des conditions de financement et l’incertitude sur les marchés. Les expositions des banques semblent particulièrement vulnérables dans des pays caractérisés par des surévaluations préexistantes et une part importante de prêts à taux variable et non amortissables (par exemple, prêts à remboursement in fine), qui sont susceptibles de présenter un risque de refinancement plus élevé.
Les coûts de financement plus élevés en raison du resserrement des conditions de financement et la forte volatilité sur les marchés financiers accroissent les risques pesant sur les établissements financiers non bancaires très endettés, en particulier pour ceux qui détiennent d’importants portefeuilles de produits dérivés. L’exposition à de tels établissements pourrait augmenter le risque de crédit de contrepartie de certaines banques, ce qui souligne la nécessité de pratiques solides de gestion des risques.
Depuis plusieurs années, les autorités de surveillance s’efforcent de remédier aux déficiences structurelles dans les cadres de gestion du risque de crédit des banques[7]. Si les activités prudentielles montrent que les banques ont réalisé des progrès dans ce domaine, elles révèlent également plusieurs insuffisances persistantes. On peut noter, par exemple, la capacité limitée des banques à anticiper les risques émergents (y compris les risques C&E) et à en tenir compte de manière adéquate dans leurs provisions pour risque de crédit, leur manque de préparation face à une hausse potentielle des débiteurs en difficulté et du risque de refinancement, et leur tendance à la surévaluation des garanties dans leurs portefeuilles d’immobilier commercial. Les conclusions de ces examens ont été utilisés pour établir les résultats du SREP 2023, des mesures prudentielles individuelles ont été communiquées aux banques et les autorités de surveillance suivent attentivement la mise en œuvre des mesures correctrices prévues.
En ce qui concerne la gestion du risque de crédit de contrepartie par les banques, l’examen ciblé mené en 2022 et les inspections sur place qui ont suivi ont mis en lumière des insuffisances importantes en ce qui concerne la diligence appropriée à l’égard de la clientèle, la définition de l’appétence pour le risque, les processus de gestion des défauts et les cadres relatifs aux tests de résistance. Les établissements supervisés ont réalisé des progrès dans la résolution des problèmes détectés, mais ils doivent fournir des efforts supplémentaires en vue de respecter au plus près le rapport sur les « pratiques saines en matière de gouvernance et de gestion du risque de crédit de contrepartie » (sound practices in counterparty credit risk governance and management) publié en octobre 2023.
Les activités prudentielles relatives au programme de travail de l’année passée et visant à atteindre l’objectif stratégique en matière de gestion du risque de crédit et du risque de crédit de contrepartie seront largement reconduites. Toutefois, un recentrage de ces activités devra être opéré en fonction de l’évolution de l’environnement économique et des progrès accomplis jusqu’à présent. Les lacunes restantes énoncées dans la lettre adressée aux directeurs généraux en 2020 continueront à faire l’objet d’un suivi dans le cadre des examens des pratiques relatives à la renégociation, à la probable absence de paiement et à la constitution de provisions. Concernant ce dernier point, l’examen ciblé de la norme IFRS 9 et des overlays sera renouvelé afin de suivre les progrès réalisés par les banques dans la résolution des précédents constats. De plus, des examens ciblés et, le cas échéant, des inspections sur place et des enquêtes sur les modèles internes seront menés sur les portefeuilles les plus sensibles tels que l’immobilier (à la fois résidentiel et commercial) et les petites et moyennes entreprises (PME). En ce qui concerne le risque de crédit de contrepartie, les JST continueront de suivre attentivement les expositions des banques et d’examiner l’adéquation de leurs pratiques de gestion des risques, en s’intéressant notamment aux progrès accomplis dans la résolution des insuffisances détectées en 2022.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Examens ciblés de la résilience des portefeuilles les plus sensibles à la situation macrofinancière actuelle et les plus exposés au risque de refinancement, avec un suivi des constats ayant résulté des précédents examens ciblés sur l’activité de prêt dans l’immobilier résidentiel et commercial, et le lancement d’un nouvel examen ciblé sur les PME présentant un profil d’emprunteur vulnérable.
- Suivi de l’examen ciblé de la norme IFRS 9 permettant de surveiller les progrès réalisés dans la capacité des modèles des banques en matière de pertes de crédit attendues à tenir compte des risques émergents, l’accent étant mis sur les overlays.
- Prolongation des analyses approfondies des politiques de renégociation et de probable absence de paiement.
- Prolongation des inspections sur place, qui seront axées sur l’échelonnement et le provisionnement collectifs des PME au titre de la norme IFRS 9, les portefeuilles de détail et l’immobilier commercial, valorisations de garanties incluses.
- Prolongation des enquêtes sur les modèles internes et de leur suivi par les JST, afin d’évaluer les modifications apportées aux modèles fondés sur les notations internes par rapport aux nouvelles exigences réglementaires et de remédier aux constats résultant de l’examen ciblé des modèles internes.
- Suivi de l’examen ciblé de la gestion du risque de crédit de contrepartie mené en 2022.
- Inspections sur place ciblées portant sur des aspects précis de la gestion du risque de crédit de contrepartie.
Vulnérabilité prioritaire : insuffisances dans les cadres de gestion des actifs et des passifs
Objectif stratégique : les banques devraient veiller à mettre en œuvre une gouvernance et des stratégies solides et prudentes en matière d’ALM, reflétant une surveillance attentive de la part de leurs organes de direction et la prise en compte adéquate des risques découlant de la politique monétaire actuelle et de l’évolution rapide de l’environnement économique. Plus particulièrement, elles devraient élaborer des plans de financement robustes et crédibles en vue de disposer de structures de financement diversifiées et de plans d’urgence efficaces leur permettant de faire face à des chocs de liquidité à court terme. Les banques devraient également assurer une gestion adéquate de leurs positions sur risque de taux d’intérêt, qui tienne compte d’hypothèses prudentes concernant le comportement de leurs clients, et élaborer en conséquence des stratégies d’atténuation adaptées à leurs profils de risque.
L’environnement de taux d’intérêt dans lequel opèrent les banques a fondamentalement changé ces deux dernières années. Si les taux d’intérêt plus élevés soutiennent globalement la rentabilité des établissements supervisés, ils peuvent également entraîner une hausse des coûts de financement et poser des problèmes de liquidité pour les banques et, plus généralement, pour leur gouvernance, leurs stratégies et leurs cadres en matière d’ALM.
La volatilité des marchés financiers et les corrections des prix sur les marchés de valeurs à revenu fixe face aux dynamiques actuelles des taux d’intérêt ont augmenté le risque d’accumulation de pertes latentes dans les portefeuilles au coût amorti des banques. Bien que les effets puissent être graves, comme l’ont montré les turbulences traversées en mars par certaines banques de taille moyenne aux États-Unis, la combinaison de facteurs ayant mené à cet épisode n’a pas été observée à ce jour chez les banques soumises à la supervision bancaire européenne. En effet, selon des données publiées en juillet 2023[8], le montant total de pertes latentes était relativement contenu, à 73 milliards d’euros en février 2023, contre 620 milliards de dollars pour les banques américaines fin 2022[9]. Dès le deuxième semestre 2021, lorsque les premiers signes de tensions inflationnistes sont apparus, les autorités de surveillance ont commencé à examiner les évaluations et la gestion des risques de taux d’intérêt et d’écart de crédit par les banques. En 2022, la supervision bancaire de la BCE a inclus ces risques à ses priorités prudentielles et mené un examen ciblé visant à évaluer de manière proactive le niveau de préparation des banques à des hausses des taux potentielles. Les constats alors établis ont montré la nécessité, pour les banques, de réviser plus souvent le calibrage de leurs modèles d’ALM selon les évolutions du comportement de leurs clients dues au nouveau régime de taux d’intérêt et en fonction des faiblesses observées dans certaines stratégies de couverture.
En ce qui concerne la liquidité et le financement, les établissements supervisés ont jusqu’à présent montré, de manière générale, une forte résilience face aux évolutions de l’environnement financier. Si la contraction des réserves de banque centrale et la faible croissance monétaire ont provoqué une réduction des coussins de liquidité des banques, leurs ratios de liquidité à court terme et leurs ratios de financement stable net demeurent, en moyenne, largement supérieurs au minimum réglementaire. De plus, les établissements supervisés n’affichent pas des concentrations de financements semblables à celles des banques américaines de taille moyenne qui ont fait faillite en début d’année, leurs sources principales de financement reposant avant tout sur les dépôts. Ceux-ci sont principalement constitués par une clientèle de détail, et ils sont en majeure partie couverts par l’assurance des dépôts. Pour veiller au bon déroulement du retrait progressif des programmes d’opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO) et évaluer le niveau de préparation des banques à cette évolution, un examen ciblé portant sur les stratégies de sortie des TLTRO des banques a été mené en 2023. Dans ce contexte, il a été demandé à certaines banques de poursuivre la diversification de leurs sources de financement. Un examen ciblé visant à évaluer la fiabilité et la solidité des plans de financement des banques a également été mis en place, et ses résultats seront utilisés pour établir les résultats du SREP 2024.
À l’avenir, la supervision bancaire de la BCE continuera d’insister fortement sur la nécessité, pour les banques, de mettre en œuvre des dispositifs solides d’ALM. Des activités ciblées examineront la gouvernance et les stratégies des banques en matière d’ALM et évalueront l’adéquation des hypothèses sous-tendant certains des modèles comportementaux de celles-ci. Les autorités de surveillance évalueront également la résilience des banques face à des chocs de liquidité à court terme, ainsi que la crédibilité et la solidité de leurs plans d’urgence en matière de liquidité. Enfin, elles poursuivront les efforts entrepris les années précédentes en continuant d’examiner la manière dont les banques gèrent l’IRRBB, ainsi que la solidité et la fiabilité des plans de financement mis en place.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Examens ciblés de la solidité et de la fiabilité des plans de financement, des plans d’urgence et de l’adéquation des capacités d’optimisation des garanties, ainsi que de la gouvernance et de la stratégie en matière d’ALM.
- Inspections sur place ciblées évaluant la solidité et l’adéquation des plans de financement et de rétablissement.
- Suivi des conclusions de l’examen ciblé des risques de taux d’intérêt et d’écart de crédit, et élargissement de cet examen à un plus grand nombre d’établissements.
- Campagne d’inspections sur place portant sur l’IRRBB et axées plus particulièrement sur les stratégies et positionnements relatifs à l’ALM, les modèles comportementaux IRRBB et les stratégies de couverture.
Priorité 2 : accélérer le traitement effectif des insuffisances en matière de gouvernance et de gestion des risques liés au climat et à l’environnement
Il ressort des résultats du SREP 2023 que certaines banques n’ont toujours pas assez remédié aux insuffisances constatées en matière de gouvernance. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne le fonctionnement et le pilotage stratégique de leurs organes de direction, mais aussi s’agissant de leurs capacités en matière d’agrégation des données sur les risques et de notification des risques (risk data aggregation and risk reporting, RDAR). En outre, l’importance d’une gouvernance forte et de contrôles des risques solides a de nouveau été mise en lumière par les défaillances de quelques banques américaines et suisses au début de l’année. Cela est d’autant plus vrai dans un contexte de multiplication des risques C&E, dont les effets négatifs sont déjà perceptibles à l’échelle mondiale. Les banques seront invitées à intensifier leurs efforts et à traduire de manière adéquate les dimensions de risque pertinentes dans leurs stratégies opérationnelles et leurs cadres de gestion des risques afin de satisfaire pleinement aux attentes prudentielles correspondantes d’ici fin 2024. À cet effet, la supervision bancaire de la BCE se tient prête à recourir aux outils à sa disposition (y compris, si nécessaire, les exigences de fonds propres supplémentaires, les procédures d’exécution et de sanction, et l’examen des évaluations de l’honorabilité, des connaissances, des compétences et de l’expérience) en vue d’encourager les banques à remédier efficacement aux insuffisances détectées, en particulier lorsque des mesures claires et des délais concrets ont été déterminés pour répondre aux attentes prudentielles.
Vulnérabilité prioritaire : déficiences dans le fonctionnement et les capacités de pilotage des organes de direction
Objectif stratégique : les banques devraient remédier efficacement aux déficiences importantes dans le fonctionnement, la surveillance et la composition de leurs organes de direction en élaborant et en mettant rapidement en œuvre des plans d’action correctifs solides, dans le respect des attentes prudentielles.
Des dispositifs de gouvernance interne solides et un pilotage stratégique efficace sont essentiels pour garantir la résilience et la viabilité des modèles d’activité des banques. L’incertitude entourant actuellement les perspectives macrofinancières et les évolutions actuelles de l’environnement des taux d’intérêt après des années de conditions de financement accommodantes exigent des banques qu’elles réalisent un pilotage stratégique efficace et adaptent leurs pratiques afin d’évaluer, de contrôler et de gérer de manière adéquate les risques associés. Les turbulences subies par les secteurs bancaires américain et suisse en mars dernier ont mis en évidence le rôle crucial des conseils d’administration et des directions des banques, qui ont la responsabilité ultime de garantir des dispositifs de gouvernance interne adéquats et des processus de gestion des risques efficaces. Elles ont également attiré l’attention sur les conséquences potentiellement désastreuses pour les banques si de telles mesures ne sont pas mises en place. Un pilotage stratégique efficace est également nécessaire en vue de l’adaptation des modèles d’activité des banques à des évolutions telles que la numérisation et l’accélération de la transition écologique.
Remédier aux déficiences au sein des organes de direction constitue depuis plusieurs années l’une des principales priorités de la supervision bancaire de la BCE et, même si l’on constate des améliorations dans certains domaines, des progrès doivent encore être accomplis en ce qui concerne la composition, l’aptitude collective et le rôle de surveillance des conseils d’administration des banques. À la suite de l’engagement prudentiel direct en 2022, les banques ont amélioré leurs politiques de diversité en y incluant les critères d’éducation, d’expérience, d’origine géographique et d’âge en plus du genre. À l’heure actuelle, presque tous les établissements supervisés se sont fixés pour objectif de remédier aux déséquilibres entre hommes et femmes au sein de leurs organes de direction. Toutefois, les progrès accomplis restent insuffisants[10]. Les banques doivent également encore renforcer l’aptitude collective ainsi que la capacité de remise en cause de leurs conseils d’administration, ces derniers présentant des faiblesses dans leur composition (nombre insuffisant d’administrateurs indépendants officiels, manque de connaissances dans des domaines spécifiques tels que l’informatique, par exemple) et leur fonctionnement (par exemple, le temps alloué aux débats et aux discussions des problèmes dans le cadre des processus de nomination des organes de direction est insuffisant). Le rôle de surveillance des comités des conseils d’administration doit également être encore amélioré, comme l’a révélé l’examen ciblé des organes de direction mené en 2023[11].
La supervision bancaire de la BCE poursuivra le dialogue qu’elle a engagé avec les banques pour remédier à ces déficiences persistantes par le biais d’examens ciblés et d’inspections sur place. En outre, les autorités de surveillance actualiseront et publieront leurs attentes prudentielles en matière de gouvernance et de gestion des risques.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Examen ciblé de l’efficacité des organes de direction des banques et des inspections sur place ciblées.
- Mise à jour et publication externe des attentes prudentielles et meilleures pratiques concernant la gouvernance et la culture du risque des banques[12].
Vulnérabilité prioritaire : déficiences en matière d’agrégation des données sur les risques et de déclaration
Objectif stratégique : les banques devraient remédier aux déficiences persistantes et disposer de cadres RDAR adéquats et effectifs afin de favoriser un pilotage efficient par les organes de direction et de répondre aux attentes prudentielles, y compris en période de crise.
L’agrégation des données sur les risques et la notification précises et en temps voulu sont essentielles à une prise de décisions éclairée et un pilotage stratégique efficace de la part des banques, en particulier dans l’environnement actuel, ainsi qu’à la déclaration d’informations financières, prudentielles et sur les risques. Les résultats des exercices prudentiels réalisés à ce jour, y compris l’exercice SREP 2023 et la campagne en cours d’inspections sur place, font tous état de progrès insuffisants dans la résorption des lacunes par rapport aux attentes prudentielles et aux principes du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire aux fins de l’agrégation des données sur les risques et de la notification des risques. Les principales déficiences ont trait à un manque de vigilance et de surveillance de la part des organes de direction, aux faiblesses de l’architecture des données et à la fragmentation et à l’absence d’harmonisation des environnements informatiques, à la faible capacité d’agrégation et à l’inefficacité des cadres de gouvernance. Il est impératif que les organes de direction définissent des priorités claires, car la résolution des déficiences en matière de RDAR nécessite souvent des ressources importantes.
Comme indiqué dans les priorités prudentielles de l’an passé, la supervision bancaire de la BCE intensifie ses efforts afin de s’assurer que les établissements supervisés réalisent des progrès substantiels dans la correction des insuffisances persistantes en matière de RDAR. À compter de 2024, un mécanisme structuré de remontée d’informations susceptible d’inclure des procédures d’exécution et de sanction sera de plus en plus appliqué[13]. Le guide relatif à l’efficacité de l’agrégation des données sur les risques et de la notification des risques renforce et précise encore les attentes prudentielles. Une consultation publique[14] sur le guide a eu lieu entre juillet et octobre 2023, et la publication de celui-ci est prévue pour 2024. Les autorités de surveillance effectueront également des examens ciblés et des inspections sur place et se rapprocheront des banques en cas d’insuffisances persistantes. En outre, le rapport de gestion sur la gouvernance et la qualité des données[15], qui a fait l’objet d’un exercice pilote début 2023, sera reconduit sous la forme d’un questionnaire annuel adressé aux banques. L’objectif est d’assurer un niveau de responsabilité adéquat des organes de direction des banques en matière de déclarations prudentielles, financières et des risques internes.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Affinage des attentes prudentielles liées à la mise en œuvre des principes RDAR et publication du guide relatif à l’efficacité de l’agrégation des données sur les risques et de la notification des risques.
- Examens ciblés des pratiques RDAR.
- Campagne d’inspections sur place en matière de RDAR (prorogation à partir de 2023).
- Production du rapport de gestion sur la gouvernance et la qualité des données (questionnaire annuel visant à assurer un niveau de responsabilité adéquat des organes de direction des banques en matière de déclarations prudentielles, financières et des risques internes).
Vulnérabilité prioritaire : expositions significatives aux facteurs du changement climatique soulevant des risques physiques et de transition
Objectif stratégique : les banques devraient intégrer de manière adéquate les risques C&E dans leur stratégie opérationnelle et leurs cadres de gouvernance et de gestion des risques afin d’atténuer et de divulguer ces risques, en alignant leurs pratiques sur les exigences réglementaires et attentes prudentielles en vigueur.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter[16], accentuant encore le réchauffement climatique des prochaines années et contribuant à l’intensification de risques multiples et concomitants, comme le montrent de façon répétée les canicules, incendies et inondations extrêmes frappant l’Europe et d’autres régions du monde. Les politiques en place ne sont pas à même de remplir les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique fixés par l’accord de Paris en 2015[17]. Le retard pris dans l’action pour le climat devrait encore accroître les risques physiques et de transition et, potentiellement, les pertes en découlant pour les banques, ce qui est susceptible d’augmenter le risque de dommages plus importants, d’emmurement (« lock-in ») dans des infrastructures à fortes émissions, d’actifs échoués et de surenchère des coûts[18]. Les tensions géopolitiques ainsi que la hausse croissante des investissements de départ et les évolutions déstabilisantes nécessaires à l’atténuation et à l’adaptation pourraient encore accroître les risques de transition dans le contexte actuel de durcissement des conditions de financement.
Si le SREP 2023 a révélé que certaines banques ont amélioré la définition de leur stratégie face aux risques C&E, pour d’autres, il a démontré l’urgence de remédier à ces déficiences. Les mesures qualitatives du SREP ont principalement porté sur les faiblesses des banques en matière de planification stratégique et opérationnelle et concernant les connaissances, par les organes de direction, des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Par rapport à l’exercice SREP de l’an passé, les risques C&E ont affecté les niveaux d’exigences au titre du pilier 2 d’un nombre croissant de banques[19].
Afin de remédier efficacement aux déficiences mises en évidence par le test de résistance au risque climatique[20] et l’examen thématique[21] menés par la BCE en 2022, la supervision bancaire de la BCE a fixé des dates limites par établissement pour que, d’ici fin 2024, les banques alignent complètement leurs pratiques sur les attentes prudentielles définies dans le guide relatif aux risques liés au climat et à l’environnement publié en 2020 par la BCE. Mars 2023 a été marqué par l’une des étapes intermédiaires du processus : il s’agissait pour les banques d’établir un classement adéquat des risques C&E et de réaliser une évaluation exhaustive des conséquences de ces risques sur leurs activités. Certaines banques ont encore montré de graves faiblesses en la matière et les autorités de surveillance ont mené des actions les concernant sous la forme d’actes opérationnels, d’exigences qualitatives SREP et de décisions ad hoc du conseil de surveillance prudentielle. Il est attendu des banques qu’elles intègrent d’ici fin 2023 les risques C&E à leur gouvernance, leur stratégie et leur gestion des risques, puis, d’ici fin 2024, qu’elles satisfassent à toutes les attentes prudentielles restantes définies en 2020, y compris la pleine intégration dans le processus interne d’évaluation de l’adéquation du capital (ICAAP) et les tests de résistance. À l’avenir, la supervision bancaire de la BCE continuera d’utiliser l’ensemble de sa panoplie d’outils pour veiller à ce que les banques respectent ces attentes, y compris, le cas échéant, l’intensification des mesures prudentielles par le biais notamment d’astreintes ou d’exigences de fonds propres supplémentaires spécifiques aux banques[22].
En outre, les autorités de surveillance continueront d’examiner et d’évaluer l’adéquation des pratiques des banques en matière de publication d’informations. Même si les banques ont réalisé certains progrès dans ce domaine, comme en conclut la troisième évaluation des progrès accomplis par les banques européennes dans la déclaration des risques liés au climat et à l’environnement, la qualité des informations publiées reste faible. Parmi les autres domaines prioritaires dans les années à venir, citons le traitement des risques de réputation et de contentieux associés au climat et à l’environnement et découlant de la publication des objectifs de transition et/ou des engagements « zéro émission nette ». Les autorités de surveillance poursuivront également leurs travaux préparatoires en vue de l’élaboration d’un cadre d’examen relatif à la planification de la transition des banques et à leur état de préparation à des mandats ESG prévus dans la directive sur les exigences de fonds propres (CRD VI). Enfin, les risques liés au climat continueront d’être évalués lors de certaines inspections sur place portant sur les risques, tandis que des activités ciblées individuelles sur les risques C&E devraient démarrer en 2024.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Suivi ciblé des insuffisances relevées dans le cadre du test de résistance au risque climatique et de l’examen thématique menés en 2022, dans le but de parvenir à un alignement complet avec les attentes prudentielles associées d’ici fin 2024.
- Examen du respect, par les banques, des normes techniques d’exécution en matière de déclaration et des exigences de déclaration au titre du pilier 3 relatives aux risques C&E, ainsi que de l’alignement de ces normes et ces exigences, et évaluation comparative des pratiques des banques par rapport aux attentes prudentielles.
- Analyses approfondies de la capacité des banques à traiter les risques de réputation et de contentieux associés aux engagements C&E.
- Inspections sur place ciblées sur des questions liées au climat, individuellement ou dans le cadre d’examens prévus de risques particuliers (risque de crédit, opérationnel ou lié au modèle d’activité, par exemple).
Priorité 3 : faire des progrès plus importants dans la transformation numérique et élaborer des cadres solides de résilience opérationnelle
Si la plupart des établissements supervisés progressent dans la numérisation de leurs opérations et services afin de faire face à une concurrence toujours plus grande, ils doivent également renforcer et, le cas échéant, adapter leurs cadres de résilience opérationnelle pour atténuer les risques potentiels. Parvenir à la résilience opérationnelle devrait contribuer à la viabilité des modèles d’activité des banques à moyen terme et permettre notamment à celles-ci de tirer profit des technologies innovantes. Certaines banques accusent toutefois un retard dans la réalisation de leurs objectifs à cet égard. En outre, les établissements supervisés doivent remédier aux vulnérabilités résultant de leur dépendance opérationnelle croissante vis-à-vis de prestataires extérieurs, et améliorer leur gestion des risques de sécurité informatique/de cybersécurité. Cela est particulièrement important compte tenu de l’augmentation des cybermenaces dans le contexte géopolitique actuel.
Vulnérabilité prioritaire : déficiences dans les stratégies de transformation numérique
Objectif stratégique : les banques devraient élaborer et mettre en œuvre des plans de transformation numérique sains au moyen de dispositifs adéquats (stratégie commerciale, gestion des risques, etc.) afin de renforcer la viabilité de leur modèle d’activité et d’atténuer les risques liés à l’utilisation de technologies innovantes.
Les établissements supervisés ont récemment fait état d’une rentabilité atteignant des niveaux record, largement due à la hausse des marges nettes d’intérêts. Des faiblesses structurelles persistent néanmoins dans leurs modèles d’activité. Le coefficient net d’exploitation des banques reste durablement élevé et rigide, et la mise en œuvre de mesures de maîtrise des coûts pourrait s’avérer difficile compte tenu des fortes tensions inflationnistes actuelles. À cet égard, les établissements supervisés devraient être en mesure de gérer l’augmentation envisagée des charges d’exploitation sans compromettre les investissements indispensables dans la transformation numérique. La numérisation devrait renforcer la position concurrentielle des banques et les rendre plus résistantes à la concurrence extérieure au secteur bancaire.
En 2023, la supervision bancaire de la BCE a mené une évaluation horizontale et une analyse comparative sur la base de la collecte, à l’échelle du MSU, de données sur la transformation numérique et l’utilisation des technologies financières (Fintech). Les résultats de cette analyse ont été communiqués aux banques et ont contribué à qualifier un certain nombre de risques liés à la transformation numérique, notamment les risques stratégiques et d’exécution, le risque de cybersécurité, le risque de dépendance vis-à-vis des tiers et les risques de blanchiment de capitaux et de fraude. Les résultats des inspections sur place ciblées, qui ont complété l’évaluation horizontale, ont soulevé des inquiétudes quant à l’efficacité du pilotage et de l’exécution stratégiques et révélé l’importance de développer les compétences du personnel et des organes de direction. Des déficiences en termes de budgétisation et de planification financière ont également été détectées, les banques peinant à contrôler l’incidence financière de leurs initiatives de transformation numérique. Les résultats de ces activités ont servi de base à l’évaluation prudentielle des modèles d’activité des banques au cours du cycle SREP 2023. À l’avenir, la supervision bancaire de la BCE continuera de se concentrer sur la transformation numérique, en combinant examens ciblés et inspections sur place spécifiques. Elle publiera également ses attentes prudentielles concernant la transformation numérique des banques[23]. Les attentes révisées contribueront à renforcer la méthodologie d’évaluation prudentielle.
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Examens ciblés de l’incidence de la transformation numérique des banques sur leur modèle d’activité/stratégie opérationnelle, leur gouvernance et leur détection/gestion des risques, et suivi effectué par les JST avec les banques lorsque des déficiences significatives sont constatées.
- Inspections sur place ciblées sur la transformation numérique, portant à la fois sur les modèles d’activité et sur l’aspect informatique des stratégies de transformation numérique des banques.
- Publication des attentes prudentielles et communication des meilleures pratiques en matière de stratégies de transformation numérique.
Vulnérabilité prioritaire : déficiences dans les cadres de résilience opérationnelle, à savoir l’externalisation informatique et les risques de sécurité informatique/de cybersécurité
Objectif stratégique : les banques devraient disposer de dispositifs d’externalisation des risques et de cadres de sécurité informatique et de cyberrésistance robustes afin de faire face de manière proactive à tout risque non atténué susceptible d’entraîner des perturbations significatives des activités ou services critiques, tout en veillant au respect des exigences réglementaires et des attentes prudentielles pertinentes.
Le risque de cybersécurité et la sécurité des données demeurent les principaux facteurs à l’origine du risque opérationnel des banques. Le nombre de cyberincidents signalés à la supervision bancaire de la BCE par les établissements supervisés a fortement augmenté au premier semestre 2023, reflétant l’exposition importante du secteur bancaire à l’évolution des cybermenaces, due notamment à la guerre de la Russie en Ukraine et à l’intensification des tensions géopolitiques. Les attaques destructrices sont devenues une composante essentielle des activités des acteurs étatiques, et les établissements financiers constituent aussi des cibles probables en raison de leur rôle dans les infrastructures critiques[24]. Les attaques par ransomware (logiciel de rançon), en particulier, sont en plein essor, les cybercriminels étant de plus en plus pernicieux et les banques faisant toujours plus l’objet de tentatives d’extorsion dont les techniques sont en constante évolution.
Les faiblesses des accords d’externalisation informatique font également partie des vulnérabilités principales compte tenu de la dépendance croissante des banques à l’égard de prestataires extérieurs de services. L’allongement et la complexité croissante des chaînes d’approvisionnement imposent aux banques d’acquérir une meilleure compréhension et un meilleur contrôle des relations qu’elles entretiennent avec leurs fournisseurs et des (inter)dépendances vis-à-vis d’eux afin de faire face de manière proactive aux risques de concentration potentiels. Il est donc essentiel pour les banques d’effectuer une gestion saine de leurs actifs et de leurs fournisseurs en vue de répondre aux demandes de leurs clients et d’accroître leur efficacité dans un environnement de plus en plus concurrentiel, tout en veillant à la bonne gestion des risques liés à leurs accords d’externalisation et à l’adoption de solutions en nuage (« cloud »). Les résultats de l’évaluation SREP 2023 ont encore confirmé la prédominance des déficiences des banques en matière de gestion de l’externalisation informatique et de risques liés à la sécurité informatique/cybersécurité, le risque opérationnel étant de nouveau l’élément qui affiche les plus mauvaises notes SREP[25].
Dans ce contexte, la supervision bancaire de la BCE a mis en place une collecte annuelle des registres d’externalisation des établissements supervisés. Les analyses menées jusqu’à présent ont mis en évidence diverses vulnérabilités, y compris une forte dépendance vis-à-vis de certains fournisseurs extérieurs non européens et un nombre important de contrats d’externalisation. La bonne gestion des risques liés aux tiers, y compris en ce qui concerne la sous-traitance de services en nuage, reste une priorité prudentielle essentielle et fera l’objet d’une évaluation plus approfondie dans le cadre des activités continues.
En plus de l’évaluation horizontale des accords d’externalisation des banques et de l’analyse du risque de concentration, la supervision bancaire de la BCE continuera de procéder à des examens ciblés des accords d’externalisation et de la cyberrésistance afin de mieux comprendre la nature et l’ampleur des risques associés ainsi que les mesures d’atténuation prises par les banques à cet égard. Les examens ciblés seront également complétés par des inspections sur place en vue de détecter et d’évaluer les déficiences propres à chaque banque. Compte tenu de l’intensification des cyberattaques et de la gravité de ce phénomène dans l’environnement géopolitique actuel, la supervision bancaire de la BCE effectuera en outre un test de résistance thématique sur la cyberrésistance l’an prochain afin d’évaluer la capacité des banques à réagir et à se rétablir à la suite de cyberattaques réussies[26].
Principales activités au titre du programme de travail sur les priorités prudentielles
- Collecte de données et analyse horizontale des registres d’externalisation afin de déceler les interconnexions entre les établissements supervisés et les fournisseurs extérieurs ainsi que les concentrations potentielles de risques au profit de certains fournisseurs.
- Examens ciblés des accords d’externalisation et de la cyberrésistance.
- Inspections sur place ciblées de la gestion des externalisations et de la cybersécurité.
- Test de résistance 2024 mené à l’échelle du système sur la cyberrésistance, qui sera centré sur les capacités de réaction et de rétablissement des banques après un incident de cybersécurité ainsi que sur leur capacité à en limiter l’incidence et à rétablir leurs services rapidement.
Banque centrale européenne 2023
Adresse postale 60640 Francfort-sur-le-Main, Allemagne
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Veuillez consulter le glossaire du MSU (uniquement disponible en anglais) pour toute question terminologique.
HTML ISBN 978-92-899-6270-4, ISSN 2599-8471, doi :10.2866/80 QB-CK-24-001-FR-Q
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
Test de résistance : le secteur bancaire de la zone euro résisterait à un grave ralentissement économique, communiqué de presse, BCE, 28 juillet 2023.
Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, décembre 2023.
« The last mile » (la dernière ligne droite), discours prononcé par Isabel Schnabel à la Homer Jones Memorial Lecture, 2 novembre 2023.
Bulletin économique, no 7, novembre 2023 ; enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire, octobre 2023.
Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, décembre 2023.
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
« Unrealised losses in banks’ bond portfolios measured at amortised cost » (pertes latentes dans les portefeuilles obligataires des banques mesurés au coût amorti), supervision bancaire de la BCE, 28 juillet 2023.
Cf. déclaration de Martin Gruenberg, président de la Federal Deposit Insurance Corporation, à l’Institute of International Bankers, 6 mars 2023.
Cf. « Diversity at the top makes banks better » (pour davantage de mixité à la tête des banques), The Supervision Blog, Frank Elderson et Elizabeth McCaul, 9 mai 2023.
Cf. également « Effective management bodies — the bedrock of well-run banks » (des organes de direction efficaces sont la clé pour des banques bien gérées), The Supervision Blog, Frank Elderson, 20 juillet 2023.
Cf. Orientations prudentielles du MSU concernant la gouvernance des banques et les dispositifs d’appétence aux risques, BCE, juin 2016.
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
Cf. site Internet de la BCE consacré à la supervision bancaire.
Le rapport de gestion sur la gouvernance et la qualité des données consolide et complète la mesure de la qualité des données dans le contexte des déclarations prudentielles. Dans le cadre de cet exercice, les établissements sont invités à répondre à une série de questions ouvertes, leurs réponses devant être signées par au moins un membre de leur organe de direction de façon à renforcer encore la responsabilité.
Cf. Climate Change 2023 Synthesis Report (rapport de synthèse 2023 sur le changement climatique), Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2023.
Tel que souligné lors de la 28e session de la Conférence des parties (COP 28).
Cf. Climate Change 2023 Synthesis Report (rapport de synthèse 2023 sur le changement climatique), Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2023.
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
« 2022 climate risk stress test » (test de résistance 2022 au risque climatique), Supervision bancaire de la BCE, juillet 2022.
Ibid.
Cf. discours de Frank Elderson : « Making finance fit for Paris: achieving “negative splits” » (rendre la finance conforme à l’accord de Paris en réussissant le « negative split »), novembre 2023, et « Powers, ability and willingness to act – the mainstay of effective banking supervision » (pouvoirs, capacité et volonté d’agir, les piliers d’une supervision bancaire efficace), décembre 2023.
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
Cf. « ENISA Threat Landscape 2022 » (paysage des cybermenaces 2022), Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), octobre 2022.
Cf. « Résultats agrégés du SREP 2023 », BCE, décembre 2023.
Cf. Entretien avec Andrea Enria, président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, accordé à Naglis Navakas, 9 mars 2023