- INTERVIEW
Interview accordée aux journaux De Tijd et L’Echo
Interview d’Andrea Enria, président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, par Pieter Suy et Olivier Samois
5 novembre 2020
L’Europe est entrée dans une nouvelle phase de la pandémie. Comment les banques vont-elles réagir?
Nous devons garder à l’esprit qu’il s’agit d’un choc extraordinaire pour l’économie au sens large, pas d’une crise provoquée par une mauvaise gestion des banques.
La question essentielle est de savoir ce qu’il va advenir. Le risque de crédit est très élevé et il y aura une détérioration de la qualité des actifs des banques. Mais nous ne pouvons pas prévoir quand cette détérioration se manifestera dans leur bilan et quelle ampleur le problème aura.
A quel point les banques sont-elles vulnérables à ce stade?
Le scénario économique central en juillet indiquait que nous ferions probablement face à une récession significative en 2020, suivie d’un net rebond qui ramènerait le PIB de la zone euro à son niveau de 2019 vers la fin 2022.
Toutefois, dans le cas d’une seconde vague, l’impact sur les capitaux et la détérioration de la qualité des actifs serait bien plus conséquent. Les banques peuvent espérer le meilleur, mais doivent se préparer au pire.
Sont-elles suffisamment préparées?
En juillet, les banques avaient déjà été averties qu’elles devraient se préparer à une augmentation significative des prêts non performants (NPL). Nous les encourageons à gérer leurs clients de manière proactive. Certains d’entre eux rencontreront des difficultés temporaires, mais devraient traverser la crise, tandis que d’autres ne sont pas en bonne santé et n’y survivront pas.
Il a été conseillé aux banques de différer leurs paiements de dividendes ainsi que les offres publiques de rachat d’actions. Mais HSBC ou Santander ont déjà fait part de leur intention de reprendre la distribution de dividendes.
Nous sommes en mode « wait and see ». Nous n’avons pris aucune décision quant à cette question. Nous attendons jusqu’au 10 décembre, lorsque la BCE publiera ses projections macroéconomiques.
Mais évidemment, les banques nous mettent sous pression. Cela ne m’a pas échappé (rires).
Vous avez récemment envisagé le concept d’un gestionnaire d’actifs européen ( « bad bank »). Est-ce que cela ne transfère pas le problème vers le secteur public tout en contribuant à garder des établissements mal gérés en vie ?
Si nos pires estimations se concrétisent, les banques se retrouveront avec un encours significatif de NPL dans leurs livres. Cela pourrait signifier, dans certains cas, qu’elles ne seront plus capables de prêter et de soutenir la reprise économique. L’idée d’un gestionnaire d’actifs doit permettre de transférer ces NPL dans un autre véhicule.
Est-ce que cela maintiendra en vie des « banques zombies » ? Non, pas tant que nous fixons des conditions strictes.
Pensez-vous que nous allons prochainement assister à une large consolidation du secteur bancaire européen ?
Le secteur bancaire européen a entamé cette crise dans un état de fragilité structurelle. La consolidation est un des outils qui peut aider les banques à se focaliser sur ces problèmes. Certaines banques ont pris l’initiative, comme Intensa et Ubi en Italie ou CaixaBank et Bankia en Espagne, ce qui a lancé de nouvelles discussions au sein des directions d’autres banques.
Quelle est la situation des banques belges à ce stade de la crise?
La restructuration du secteur bancaire belge depuis la dernière crise a été plus profonde que dans d’autres pays. Les banques belges ont maintenant des fonds propres plus solides que la moyenne européenne, de même qu’elles sont un peu plus rentables.
Dans l’absolu, nous sommes à un point où il est très difficile d’identifier les risques. L’exposition des banques aux secteurs vulnérables sera un élément moteur des évolutions dans les prochains mois. Cela pourrait devenir un problème, même pour les banques semblant actuellement être en bonne santé.
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