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La lutte contre le blanchiment doit être européenne

Contribution par Édouard Fernandez-Bollo, membre du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, pour la Revue Banque

6 avril 2023

La nouvelle législation européenne contre le blanchiment d’argent représente à la fois une nécessité et une opportunité pour le secteur bancaire. Des négociations sont en cours entre les instances européennes – Commission, Parlement et Conseil – en ce qui concerne le paquet législatif sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT)[1] afin d’harmoniser la réglementation et de créer une autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent.

Une nécessité pour accroître la qualité et l’efficacité du dispositif de surveillance à l’échelle européenne

Face à des circuits transnationaux de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, l’amélioration de la LCB-FT par le biais d’une intégration renforcée dans l’Union européenne (UE) s’impose.

D’une part, il convient de supprimer les obstacles créés par la fragmentation réglementaire actuelle, qui découle des disparités dans la transposition des directives européennes en droit national. Directement applicable dans les États membres, le nouveau règlement européen éliminera les différences nationales induites par la transposition des directives.

D’autre part, il s’agit d’assurer un niveau harmonisé et uniforme de surveillance au sein de la zone euro. C’est l’objet de la proposition de règlement européen instituant l’autorité européenne de LCB-FT. Cette autorité sera chargée de la surveillance directe d’environ quarante-cinq établissements appartenant au secteur financier et de la surveillance indirecte, par l’intermédiaire des autorités nationales, de plusieurs milliers d’autres structures probablement qui, outre les établissements de crédit, comprendront les établissements de paiement, les changeurs manuels, les entreprises d’assurances, les entreprises d’investissement ou encore les prestataires de services liés aux cryptoactifs. Cette surveillance indirecte sera donc essentielle à l’efficacité du dispositif et la nouvelle autorité européenne devra coordonner et faire converger l’action de toutes les autorités impliquées, qu’il s’agisse des superviseurs nationaux en matière de LCB-FT, des cellules de renseignement financier ou des contrôleurs bancaires tels que la BCE. Par exemple, l’utilisation, par la future autorité européenne et les superviseurs nationaux, d’une méthodologie commune pour évaluer les risques des établissements en ce qui concerne la LCB-FT permettra d’harmoniser davantage l’identification de zones potentielles de vulnérabilité à l’échelle européenne. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, il est crucial que cette autorité puisse aussi s’appuyer sur une coopération renforcée entre les contrôleurs prudentiels et les autorités européennes du secteur financier[2].

Pour ce faire, il paraît indispensable d’améliorer les échanges d’informations entre les autorités nationales et européennes responsables. La nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme devrait donc jouer le rôle pivot de base de données centrale, assurant ainsi la coopération et les échanges d’informations tant entre l’ensemble des superviseurs en matière de LBC-FT qu’entre les autres autorités de surveillance, notamment les contrôleurs prudentiels[3]. Ce rôle central devrait également permettre aux établissements concernés de s’acquitter plus facilement de leurs obligations de remise d’informations. Dès sa création, il conviendra de donner à la nouvelle autorité l’accès aux bases de données pertinentes. S’agissant des interactions avec les contrôleurs prudentiels, au moins trois domaines sont particulièrement concernés par l’échange d’informations et la coordination des actions : l’octroi et le retrait des agréments, l’évaluation de l’aptitude collective des organes de direction et celle des dispositifs de contrôle interne. Les échanges d’informations entre les contrôleurs prudentiels et l’autorité européenne de LCB-FT permettront d’acquérir une meilleure vision d’ensemble de la gouvernance et des dispositifs de contrôle des établissements.

Pour les banques, il s’agit d’une opportunité de simplifier certains processus de gestion des risques clients tout en bénéficiant des meilleures pratiques internationales en matière de LCB-FT

L’évolution vers une réglementation unique au lieu des vingt-sept existantes devrait amplement faciliter la gestion interne des processus relatifs aux services bancaires. À titre d’exemple, les questionnaires d’identification et de connaissance de la clientèle et l’ensemble des processus qui en découlent, y compris le paramétrage des systèmes informatiques, pourront être harmonisés entre les différentes entités d’un même groupe au sein de l’UE. Par ricochet, cela devrait faciliter la gestion des relations avec la clientèle, en particulier avec les clients opérant dans plusieurs pays de l’UE. Ce premier domaine de normalisation européenne en matière de relations clients dans le secteur bancaire apportera des bénéfices concrets pour l’européanisation du fonctionnement du système bancaire et, par conséquent, pour les clients. Cette initiative devrait changer le quotidien des banques et de leur clientèle et contribuer à unifier le marché bancaire européen.

Enfin, un tel niveau d’intégration européenne conférera à l’Europe un poids bien plus considérable sur la scène internationale : en effet, dès lors que l’UE se sera dotée d’une surveillance plus efficace et de normes unifiées, elle deviendra une référence dans ce domaine de dimension internationale très forte. Les banques européennes se retrouveront à la pointe de la LCB-FT et les normes européennes pèseront davantage dans les discussions menées au sein des instances internationales telles que le Groupe d’action financière (GAFI).

Conclusion

La création d’une autorité européenne de LCB-FT s’impose si l’on souhaite mettre un terme à la fragmentation réglementaire au sein de l’UE tout en améliorant la surveillance. Cette autorité harmonisera et fera converger les meilleures pratiques nationales. À cette fin, le partage des données et une coopération renforcée entre les superviseurs en matière de LCB-FT et les autorités de surveillance prudentielle seront nécessaires. Les établissements assujettis tireront également parti de cette évolution étant donné que l’harmonisation simplifiera le cadre réglementaire applicable et qu’ils pourront bénéficier des meilleures pratiques internationales en la matière.

  1. La proposition globale se compose de quatre textes :
    (i) La proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL instituant l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) nº 1093/2010, (UE) nº 1094/2010 et (UE) nº 1095/2010 ;
    (ii) La proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ;
    (iii) La proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) 2015/849 ;
    (iv) La proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs (refonte).

  2. L’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP)

  3. Hormis les contrôleurs prudentiels, les autres autorités de surveillance recouvrent les cellules de renseignement financier et les autorités compétentes en matière de sanctions.

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